Dans les prochains jours, un jeune vautour fauve né au Domaine de Pescheray en 2023 devrait être réintroduit en Sardaigne.
Le premier poussin de vautour du Zoo de Pescheray
En mai 2023, le premier poussin de vautour fauve de l’histoire du Domaine de Pescheray voyait le jour. Ce jeune oiseau est promis à un bel avenir car dans les prochains jours, il partira vers la Sardaigne dans le but d’être réintroduit dans la nature. « C’est la première naissance chez cette espèce à Pescheray, indique Laura Sa Silva, Responsable zoologique au Domaine de Pescheray. Les parents sont ensembles depuis un moment mais c’est leur tout premier petit. » Dans le Zoo de Pescheray vivent depuis quelques années deux couples de vautours fauves issus de sauvetages. « En fait, les parents proviennent d’un centre de soins espagnol qui récupère des vautours fauves blessés. À Pescheray, nous en avons pris quatre en charge afin qu’ils puissent vivre leur vie tranquillement avec nous parce qu’ils ne sont plus capables d’être réhabilités dans le milieu naturel à cause de blessures trop importantes. Cela permet à ce centre de soins d’être déchargé financièrement et de gagner de la place pour d’autres oiseaux à soigner. » Incapables de voler, les quatre vautours sont hébergés dans un enclos à ciel ouvert et sont depuis assez récemment en cohabitation avec des mouflons à manchette. « Historiquement, ils vivaient juste à côté des mouflons mais avant de partir, mon prédécesseur a décidé de leur laisser un peu plus de place et de les mettre en mixité avec les mouflons. Donc ils ont eu accès à de nouvelles zones, de nouveaux rochers, et je pense que c’est cette nouveauté qui a déclenché le bricolage du nid et tout ce qui s’en est suivi. » Le jeune vautour né l’an dernier n’est lui pas cloué au sol et est déjà capable de s’envoler. Les équipes de Pescheray ont donc attendu qu’il soit en mesure de se nourrir seul et qu’il commence à s’émanciper de ses parents pour le placer dans une volière à l’écart, en attendant son départ pour l’île italienne.
Un départ prochain pour la Sardaigne et une vie à l’état sauvage
Ce grand projet de réintroduction est notamment organisé par la Vulture Conservation Foundation, une organisation mondiale consacrée à la protection et la conservation des vautours dans le monde et avec laquelle le Domaine de Pescheray est en contact. « Quand j’ai repris le parc il y a 10 mois, je suis allé rencontrer nos partenaires de conservation qui sont en France comme la SFEPM (Société Française pour l’Étude et la Protection des Mammifères) ou la LPO (Ligue pour la Protection des Oiseaux). J’ai pris du temps parce que je voulais absolument me déplacer et voir qui étaient nos partenaires, voir à quoi servaient les financements de Pescheray, détaille Laura Da Silva. J’ai donc passé une semaine dans le sud à la rencontre de la LPO pour voir les vautours dans la nature, et j’ai gardé un contact assez rapproché avec l’une des personnes qui travaillent là-bas et quand le bébé vautour est né, je l’en ai informé. » Le jeune vautour ayant des parents issus du milieu sauvage, sa génétique en fait un oiseau très intéressant et un candidat idéal pour une réintroduction dans la nature. « La LPO m’a connecté avec les associations qui sont en Sardaigne et qui ont été très intéressées par l’idée de prendre ce bébé avec eux. »
Une fois sur place, ce dernier sera placé dans une volière d’acclimatation aux côtés d’autres jeunes vautours issus du milieu de la captivité ou de sauvetages après une blessure dans la nature. En Sardaigne, les populations sauvages de vautours fauves ont besoin d’être renforcées, comme cela a été le cas en France durant de nombreuses années. En attendant son départ, les équipes du Zoo de Pescheray prennent soin de l’oiseau en le préparant au mieux pour sa future vie sauvage. « Il est dans sa volière, nous lui faisons un nourrissage sur un cycle qui est le plus naturel possible, poursuit la Responsable zoologique du parc. Nous ne le nourrissons pas tous les jours, il a des jours de jeûne et nous lui donnons des morceaux plus ou moins gros pour l’habituer à se nourrir sur différents types de carcasses. Et puis nous évitons aussi d’avoir des interactions avec lui parce que le but c’est qu’il soit vraiment le plus sauvage possible. » Le jeune vautour fera ses valises très bientôt, le transporteur en charge de son acheminement vers la Sardaigne se tient prêt et le Zoo de Pescheray attend encore quelques informations de la part de la Vulture Conservation Foundation avant d’enclencher le transfert. « Nous attendons juste ces quelques informations et dès que nous les avons, il ne faut pas perdre de temps car l’objectif c’est qu’il rejoigne le plus vite possible un groupe pour être dans une volière d’adaptation pour être ensuite relâcher au printemps. »
Lancement d’une cagnotte
Réintroduire un animal, quel qu’il soit, dans son milieu naturel, représente un coût assez important que certains parcs ne sont pas en mesure de financer facilement. Afin de proposer aux visiteurs et aux abonnés sur les réseaux sociaux du Zoo de Pescheray de participer à la réintroduction du jeune vautour en Sardaigne, le parc animalier a récemment lancé une cagnotte en ligne. « Nous avons lancé une cagnotte parce que les frais de transport nous coûtent 5 000 € pour acheminer le vautour jusqu’en Sardaigne, explique Laura Da Silva. Et il faut savoir que 5 000 € c’est une grosse somme pour un parc comme Pescheray, parce que nous sommes une association loi 1901 et un ESAT (Établissement de Service d’Aide par le Travail), et ça c’est important de le rappeler. Nous sommes d’abord là pour les travailleurs, pour leur mettre un support de travail à travers l’animalier donc nous sommes sur un rythme assez lent, on ne se met pas de pression au niveau des horaires ou au niveau des nouveautés donc forcément, nous n’avons pas un grand nombre de visiteurs. » Pour Pescheray, le montant du transfert du jeune vautour représente le budget global alloué chaque année aux différentes associations qui œuvrent à la conservation des espèces et de leurs habitats. « Nous n’avions pas envie de choisir entre payer le transport du vautour ou financer les associations que nous soutenons. Si nous arrivons à rassembler un certain nombre de personnes qui peuvent contribuer, même de pas grand chose, nous pourrons garder nos fonds pour la conservation et rester fidèles auprès d’elles comme chaque année. » Pour acheminer le jeune vautour vers la Sardaigne, le Zoo de Pescheray passera par une société spécialisée en transport animalier, Crossborder Animal Services, qui est l’une des seules en Europe à pouvoir proposer un transfert aussi lointain. « C’est loin donc forcément, cela coûte de l’argent. En plus, il n’y a que notre vautour, nous sommes le seul parc animalier à cette période à envoyer un animal donc il n’est pas possible de faire un transport groupé et d’amortir le coût avec d’autres parcs. Et nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre parce qu’il y a aussi l’enjeu de le libérer au printemps. » La cagnotte en ligne est accessible au lien ci-dessous et sera disponible durant plusieurs mois, même après la réintroduction du jeune vautour.
Un oiseau à la mauvaise réputation
Reconnaissable à son plumage chamois brun et sa collerette de plumes blanches, le vautour fauve fait partie des plus grands vautours du monde et est l’un des plus grands rapaces présents en France. « Il fait partie des quatre vautours que nous avons la chance d’avoir en France et qui migrent dans d’autres pays. C’est une espèce qui est relativement en danger parce qu’elle a mauvaise réputation auprès des populations humaines. » À l’échelle mondiale, le vautour fauve n’est pas considéré comme menacé d’extinction, il est classé en « Préoccupation mineure » (LC) par l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature). « Cela veut dire qu’il n’est pas totalement menacé mais en fait, on attend par forcément que les animaux passent sur un statut de menace extrême pour faire quelque chose et agir. Les populations sauvages sont en grande diminution depuis plusieurs années donc il faut faire des renforcements, d’où le projet d’aller réintroduire ce petit vautour dans le milieu sauvage. » Plus localement, le vautour fauve est aujourd’hui en voie d’extinction et a même bien failli disparaître comme dans certaines régions françaises. Dans les années 1960, il ne restait plus qu’une vingtaine de couples dans les Pyrénées et c’est grâce aux actions de sauvegarde et de réintroduction de vautours nés en captivité que l’on dénombre aujourd’hui plus de 2 500 vautours fauves dans plusieurs régions du pays. « Il y a malheureusement encore beaucoup de personnes qui pensent qu’un vautour est agressif, qu’il va s’attaquer à des animaux vivants alors que c’est un charognard, il ne s’attaque qu’à des animaux morts, développe Laura Da Silva. Il y a encore pas mal de conflits et il y a aussi les collisions routières qui peuvent parfois faire des dégâts. » Ce grand rapace est aujourd’hui menacé par l’empoisonnement des carcasses, que ce soit de façon volontaire lorsque les bergers introduisent du poison dans le but d’éliminer les vautours, mais aussi involontaire lorsque les rapaces ingèrent des proies tuées par balle. Le vautour fauve subit aussi les activités de loisirs qui gênent sa nidification, le déboisement, les incendies ou encore les collisions avec les câbles électriques.