C’est une nouvelle unique et importante qui a récemment eu lieu dans un parc zoologique français : le 3 février dernier, une femelle ours malais est née à l’Espace Zoologique de Saint-Martin-la-Plaine.
Une naissance exceptionnelle pour un parc zoologique français
Cela faisait 25 ans qu’aucun parc zoologique français n’avait accueilli une telle naissance. Le 3 février 2025, l’équipe animalière de l’Espace Zoologique de Saint-Martin-la-Plaine a eu l’immense joie de voir naître un ourson malais. Cette petite femelle, récemment baptisée Tiga à la suite d’un vote organisé sur les réseaux sociaux du parc, est le fruit de l’union de Saï et Talli, le couple d’ours malais du parc. Cette naissance est aussi le résultat d’un long travail de patience et d’engagement pour la sauvegarde de cette espèce d’ours discrète et très menacée. Les premiers jours de vie de Tiga se sont déroulés à l’abri des regards des visiteurs, et l’annonce de sa naissance n’a été faite qu’en mai dernier. Bien installée dans sa tanière, la mère, Talli, a protégé son ourson avec une attention remarquable. Cette femelle âgée de 6 ans est née au Burgers’ Zoo d’Arnhem aux Pays-Bas et a été transférée à l’Espace Zoologique de Saint-Martin-la-Plaine en février 2024. Après une période d’adaptation et de présentation progressive au mâle déjà présent, Saï, les deux ours ont été réunis dans un espace réaménagé pour l’occasion afin de favoriser leur cohabitation et former un couple reproducteur. Le résultat ne s’est pas fait attendre : au terme d’une gestation d’environ trois mois, Talli a donné naissance à Tiga, son premier ourson. Depuis, l’oursonne grandit à son rythme, paisiblement, sous les yeux des visiteurs qui peuvent l’observer depuis quelques semaines, principalement le matin. D’abord sans poils et les yeux fermés à la naissance, elle ressemble aujourd’hui à un ours malais miniature, elle est curieuse, joueuse et grimpe déjà partout où elle le peut.

Un ursidé peu connu mais très menacé
L’ours malais (Helarctos malayanus) est la plus petite des huit espèces d’ours existantes aujourd’hui. Il est facilement reconnaissable à sa langue étonnamment longue et à la tache claire qu’il porte sur la poitrine. Originaire des forêts tropicales d’Asie du Sud-Est, notamment en Malaisie, en Indonésie, en Thaïlande, au Vietnam ou encore au Myanmar, il reste méconnu du grand public en raison de son habitat reculé et difficile d’accès. Aujourd’hui, la population d’ours malais est en déclin, sans que l’on ne connaisse précisément le nombre d’individus restants. L’espèce est classée « Vulnérable » (VU) par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), qui estime qu’environ 40 % de sa population a disparu au cours des 30 dernières années. Les menaces sont multiples : destruction de l’habitat due à la déforestation, exploitation illégale, chasse et trafic animalier. Dans ce contexte préoccupant, les naissances en milieu zoologique sont essentielles. Elles permettent non seulement de maintenir une population saine et diversifiée en captivité, mais aussi de sensibiliser le public à la situation de cette espèce menacée. En Europe, seuls une trentaine d’ours malais vivent dans des parcs zoologiques, répartis dans 15 établissements. En France, il n’y a que 7 individus répartis dans seulement trois parcs zoologiques. L’Espace Zoologique de Saint-Martin-la-Plaine abrite actuellement quatre individus : Saï, le mâle d’une vingtaine d’années ; Talli, sa compagne de 6 ans ; Ipoh, une autre femelle âgée de 31 ans, vivant dans un espace séparé ; et désormais la jeune Tiga, âgée de près de 5 mois. L’ours malais bénéficie d’un Programme d’Élevage Européen (EEP), coordonné par le Colchester Zoo au Royaume-Uni, qui organise les échanges entre parcs, ainsi que la reproduction et le suivi génétique des individus afin d’optimiser la conservation de l’espèce à long terme.

Les lourdes menaces qui pèsent sur les ours malais
Si Tiga représente un nouvel espoir, son père Saï incarne les menaces bien réelles qui pèsent sur l’ours malais et plus largement sur les ours asiatiques. Capturé très jeune en Asie, Saï était destiné à l’exploitation pour sa bile, utilisée dans certaines médecines traditionnelles. Dans les fermes de bile, les ours sont enfermés dans des cages étroites dans lesquelles ils ne peuvent même pas se retourner. Un tube est relié à leur vésicule biliaire pour prélever ce liquide considéré comme précieux. Cette pratique cruelle est encore en vigueur dans plusieurs pays, malgré les efforts de sensibilisation et de lutte menés par de nombreuses associations. Saï a été sauvé in extremis par l’association Free The Bears, alors qu’il se trouvait dans un train en direction d’une ferme. Il aurait passé sa vie enfermé dans une cage, avec un tuyau branché en permanence à son ventre. En 2009, le sanctuaire qui l’avait recueilli a confié Saï à l’Espace Zoologique de Saint-Martin-la-Plaine où il a pu reconstruire sa vie et où il est aujourd’hui devenu père pour la première fois. Son histoire met en lumière l’une des principales menaces pour cette espèce, mais elle n’est malheureusement pas la seule. En plus de l’exploitation pour la bile, l’ours malais est aussi victime du braconnage pour sa viande, ses griffes ou sa peau, ainsi que de la fragmentation de se son milieu de vie, principalement due à l’agriculture intensive pour les plantations de palmiers à huile qui réduit également son habitat naturel. Face à ce constat alarmant, de nombreuses associations et ONG de terrain ont mis en place plusieurs actions pour enrayer le déclin de l’espèce avec comme axes prioritaires la lutte contre le braconnage, la restauration des habitats, le renforcement de la surveillance des populations sauvages, et le développement de la reproduction ex situ, dans les parcs zoologiques. La naissance de Tiga, issue d’un père rescapé et d’une mère intégrée dans un programme de reproduction, incarne cette stratégie et vient renforcer la population d’ours malais en parc zoologique.