© C. Thevenet - A Cupulatta
© C. Thevenet - A Cupulatta

Naissances inédites de tortues indiennes à trois carènes au parc A Cupulatta

Pour la première fois en Europe, après un processus de reproduction complet, deux tortues indiennes à trois carènes ont éclos en captivité dans le parc animalier corse d’A Cupulatta, spécialisé dans l’élevage et la reproduction de tortues du monde entier.

Une première européenne dans un parc zoologique français

C’est un événement discret mais d’une portée scientifique et conservatoire majeure pour une espèce menacée et encore assez méconnue. À A Cupulatta, près d’Ajaccio, deux bébés tortues indiennes à trois carènes (Melanochelys tricarinata) ont récemment vu le jour. Pesant à peine quelques grammes et mesurant un peu plus de deux centimètres, ces nouveau-nés représentent une avancée historique pour cette espèce extrêmement rare, menacée et jusqu’alors jamais reproduite en captivité de façon aboutie en Europe. « L’une de nos femelles a pondu pour la première fois, détaille Pierre Moisson, directeur d’A Cupulatta. Elle a pondu trois œufs, dont un était malheureusement cassé, mais les deux autres étaient fécondés. Nous les avons placés en couveuse et ils ont éclos. » Les connaissances sur cette espèce étant encore très limitées, les deux œufs ont été incubés à des températures différentes, afin de tester les conditions les plus adaptées. L’équipe vétérinaire surveille leur évolution de près depuis la ponte, un suivi d’autant plus essentiel que, chez les tortues, le sexe dépend de la température d’incubation et n’est connu qu’après plusieurs années. « On ne connaîtra pas le sexe avant cinq ou six ans. Comme nous ne savions pas du tout comment les incuber, nous en avons placé un dans les conditions correspondant à un mâle et l’autre à une femelle, mais on n’a jamais de certitudes finalement. » Après 73 et 86 jours d’incubation, les deux petites tortues ont éclos le 24 mai et le 1er juin 2025. Cette double naissance fait désormais d’A Cupulatta le premier parc zoologique européen à réussir la reproduction complète de cette espèce en captivité.

Des parents issus d’une saisie à Hong-Kong

L’histoire remonte à 2022, lorsque le parc animalier corse, reconnu au niveau international pour son travail sur la conservation des tortues, est sélectionné par la Turtle Survival Alliance Europe pour accueillir des individus de cette espèce. « Il y a eu la saisie de plus de 90 individus faite par le gouvernement de Hong-Kong, raconte Pierre Moisson. En général, c’est le Kadoorie Farm and Botanic Garden, un centre de sauvetage et de réhabilitation d’animaux sauvages à Hong-Kong, qui est responsable de la récupération d’animaux saisis. Mais comme il y avait un risque de développement de maladies si tous les individus restaient sur place, et qu’il y a très peu d’animaux de cette espèce en captivité, il a été décidé d’en envoyer quelques-uns en Europe. » C’est ainsi qu’un parc zoologique en Angleterre, un autre en Suisse, et A Cupulatta en France ont accueilli pour la première fois des tortues indiennes à trois carènes sur le continent européen, dans le cadre d’un programme international de sauvegarde. « De notre côté, nous avons accueilli quatre individus, deux mâles et deux femelles. » L’équipe animalière réussit à acclimater les adultes dans les meilleures conditions, jusqu’à obtenir cette première reproduction au printemps dernier. « Les adultes sont visibles du public, mais ce sont des animaux très discrets, qui ont quand même vécu la majeure partie de leur vie dans la nature. Ce ne sont pas des animaux que nous obligeons à être visibles, mais les petits le sont davantage. » Les deux jeunes tortues, visibles des visiteurs depuis quelques semaines dans la nurserie du parc, sont installées dans un terrarium, près d’autres bébés tortues aquatiques. Temporairement surnommées Tric et Trac, elles ont finalement reçu les noms de Maya et Sita après un vote lancé auprès des abonnés du parc sur les réseaux sociaux.

Une espèce menacée et encore très peu étudiée

Espèce discrète, peu connue du grand public et rarement étudiée par les scientifiques, la tortue indienne à trois carènes est originaire des contreforts de l’Himalaya, notamment en Inde, au Népal et au Bangladesh. Elle vit dans des zones humides, boisées et tempérées, et mène une vie semi-aquatique. Sa petite taille, sa rareté et les nombreuses menaces qui pèsent sur elle rendent son observation dans la nature très difficile. Classée « En danger d’extinction » (EN) sur la liste rouge de l’UICN, sa population sauvage est estimée en fort déclin. Elle est victime du braconnage, notamment pour le commerce illégal d’animaux exotiques, et de la disparition progressive de son habitat naturel. Les données disponibles sur l’espèce sont encore très limitées, ce qui rend les naissances à A Cupulatta d’autant plus précieuses : elles permettront non seulement de renforcer la population captive, mais aussi de mieux comprendre son mode de vie et sa reproduction. À ce jour, seules quelques institutions zoologiques dans le monde détiennent des individus de cette espèce, pour un total estimé à une centaine d’animaux. Par ailleurs, le parc corse a également enregistré cette année des naissances chez une autre espèce de tortue originaire d’Inde, la tortue à toit indienne (Pangshura tecta). Quatre petits ont éclos en juillet dernier, une excellente nouvelle pour cette espèce classée « Vulnérable » (VU) par l’UICN, qui, elle aussi, compte moins de 100 individus en captivité à travers le monde.

Articles similaires