Les parcs zoologiques modernes jouent un rôle primordial dans l’étude scientifique des différentes espèces qu’ils hébergent. À Biotropica, des scientifiques sont venus étudier les chauves-souris du parc durant plusieurs jours pour mieux comprendre les comportements de leurs congénères sauvages.
Analyser les chauves-souris captives pour mieux protéger les sauvages
Il y a quelques jours, deux scientifiques ont traversé la planète pour venir équiper de balises les chauves-souris de Biotropica. Gildas et Lise ont passé quelques jours dans le parc zoologique normand afin d’étudier le comportement des mammifères volants qui y sont hébergés et ainsi poursuivre leur étude de terrain à la Réunion. « Nous étudions la Roussette noire (Pteropus niger) à la Réunion, une espèce en danger critique d’extinction sur l’île, explique Gildas Monnier, scientifique du Groupe Chiroptères Océan Indien (GCOI). Nous cherchons à comprendre leur écologie générale, leurs déplacements et leurs comportements afin de mieux les protéger dans la nature et d’éviter le plus possible les potentiels conflits avec l’homme, notamment les arboriculteurs. Nous essayons de comprendre si elles peuvent créer des nuisances aux productions fruitières de l’ile. » Grâce au financement FEDER (Fond Européen de Développement Régional), l’association a déjà équipé plusieurs roussettes noires de petites balises GPS qui permettent aux scientifiques de récolter de précieuses informations sur leur position, leur vitesse mais aussi leurs déplacements.
Pour aller plus loin dans cette étude, un partenariat scientifique a été mis en place avec les équipes de Biotropica qui élèvent, depuis l’ouverture du parc en 2012, des roussettes de Lyle, une espèce très proche de la roussette noire endémique de la Réunion. « Nous voulons comprendre et exploiter mieux encore les données envoyées par les balises des individus sauvages, et seule l’observation directe d’animaux équipés nous le permet », confie Lise Bartholus, étudiante en M2 à la Sorbonne. Seulement, l’observation du comportement des chauves-souris dans leur milieu naturel est très complexe. À Biotropica, les deux scientifiques, aidés des équipes du parc, ont pu équiper les roussettes de balises et reçoivent les données en direct tout en observant leur comportement. « Nous voyons l’animal voler, se nourrir, se toiletter, interagir avec ses congénères, tout en recevant les données en direct, tout cela est traduit en « langage balise » sur notre écran. C’est passionnant et surtout, cela donne une dimension nouvelle à notre étude », poursuit l’étudiante. Et même s’il ne s’agit pas tout à fait de la même espèce, ce travail est capital pour comprendre le mode de vie des roussettes noires de la Réunion. « Le travail avec les chauves-souris géantes de Biotropica nous permet de comprendre plus en détail leurs congénères sauvages. Il y a un lien direct et évident entre ce groupe captif et notre capacité à mieux connaitre et mieux protéger notre faune sauvage Réunionnaise. »
Les zoos au service de la protection des espèces sauvages
Pour François Huyghe, vétérinaire et directeur de Biotropica, ce partenariat avec les scientifiques du GCOI est extrêmement réjouissant et donne un sens au travail des équipes du parc. « Tout s’est mis en place très rapidement et très naturellement dès que Gildas nous a contacté pour cette étude il y a quelques semaines. Notre participation était essentielle et la situation des Chauves-souris de la Réunion nous préoccupe beaucoup. C’est un projet scientifique de plus, dont se réjouissent aussi nos soigneurs, tant cela donne du sens à notre travail quotidien. » Depuis quelques semaines, les chauves-souris du parc bénéficient par ailleurs d’un espace réaménagé et agrandit leur permettant de monter plus haut et de voler plus facilement qu’avant. « Notre nouvelle volière géante permet l’expression de tous les comportements de cette espèce fabuleuse, qui pollinise ou dissémine les graines de plein de plantes qu’elle consomme. »
Les questions éthiques cristallisent le débat autour des missions des parcs zoologiques, leur existence-même est aussi remise en question. Les zoos jouent pourtant un rôle essentiel dans la conservation in situ (dans le milieu naturel) comme ex situ (en dehors du milieu naturel) des espèces menacées. Et si les naissances d’espèces à l’avenir plus qu’incertain dans les parcs zoologiques du monde entier représentent évidemment d’excellentes nouvelles, François Huyghe rappelle malgré tout que le rôle de ces derniers ne s’arrête pas à cela. « Nous avons trop longtemps communiqué sur nos naissances plutôt que sur nos actions scientifiques ou conservatoires. C’est pourtant le cas aujourd’hui comme souvent, et cette étude est particulièrement passionnante, alors… parlons-en ! »