Cette année, le Parc de Branféré accueille une nouvelle espèce de primate plutôt fascinante : le langur de Java. Un groupe de trois mâles est arrivé dans le courant de l’année et se trouve visible depuis déjà plusieurs semaines.
Toute cette semaine, Nature et Zoo vous propose une série d’articles consacrés aux actualités du Parc de Branféré. La naissance d’un petit hippopotame pygmée, l’arrivée de nouveaux pensionnaires et de nouvelles espèces, la construction d’une nouvelle volière scientifique… Retrouvez un article par jour du 8 au 11 octobre 2024 et découvrez les actualités du Parc de Branféré en 2024 !
L’arrivée d’un nouveau groupe de trois mâles à Branféré
Ils s’appellent Bajing, Ibu et Kejutan, ce sont trois langurs de Java mâles et ils sont arrivés au printemps dernier au Parc de Branféré. « Ils sont de la même famille, explique Alexandre Petry, Directeur Zoologique et Scientifique au Parc de Branféré. Ils arrivent d’Apenheul aux Pays-Bas, il y en a deux qui sont frères et il y a leur demi-frère. » Il a fallu plusieurs mois aux équipes animalières du parc pour obtenir l’accord du coordinateur européen de l’espèce pour l’accueil de ces nouveaux pensionnaires. « Ils nous sont confiés dans le cadre de l’EEP (EAZA Ex-situ Program), nous avions fait la demande en fin d’année dernière car nous avions la volonté de nous concentrer plutôt sur les primates menacés mais aussi parce que globalement, toute la zone des archipels va être plutôt centrée sur des espèces originaires d’îles au sens large. » Le nouveau petit groupe a pris place sur l’une des îles du chemin des archipels, face aux tortues aquatiques, qui abritait jusqu’à récemment un groupe de colobes guéréza, partis il y a peu vers d’autres contrées. « Les colobes ne sont pas originaires d’une île et ne sont pas menacés, ils sont partis dans un parc zoologique aux États-Unis dans le cadre de nos échanges internationaux. » Le langur de Java est donc apparu comme l’espèce qui conviendrait le mieux à cet environnement libéré, correspondant également aux critères souhaités par le Parc de Branféré.
Avant de prendre place dans leur nouveau territoire, les trois langurs de Java du Parc de Branféré ont eu droit à une période d’acclimatation importante. « Ils sont arrivés en mai dernier, ils ont passé un petit peu de temps dans nos coulisses car nous devions finir les aménagements du bâtiment. » Quelques semaines auront suffit avant que les nouveaux venus ne soient installés, au début du mois de juin, dans leur nouvel environnement aménagé tout spécialement pour leur bien-être quotidien. « Nous avons ajouté une volière de coulisses qui est attenante au bâtiment afin de pouvoir mieux les gérer, notamment si nous devons les garder en intérieur quand nous devons intervenir sur l’île ou quand la température extérieure ne le permet pas. Si nous devons les isoler, avec cette volière ils auront quand même un accès à l’extérieur et c’est une vraie priorité pour nous. » Ce type d’aménagement, réalisé au cours des dernières années dans les enclos des saïmiris et des atèles du parc, offre également un meilleur confort aux soigneurs animaliers pour intervenir quotidiennement auprès des primates. « Nous avons réhabilité le bâtiment qui avait déjà une quinzaine d’années, nous l’avons remis au goût du jour notamment à l’intérieur, et puis nous avons fait quelques aménagements extérieurs avec l’ajout de quelques structures et des cordes pour favoriser l’utilisation de l’espace. Et chez nous, nous avons la chance d’avoir de grands arbres et c’est assez génial de les voir évoluer dedans. »
Deux couleurs de pelage et une vie de groupe
Les langurs de Java sont des primates fascinants avec des caractéristiques physiques uniques. Leur pelage peut être noir brillant ou orangé. « C’est la particularité du langur de Java, développe Alexandre Petry. Ils sont polymorphiques, c’est-à-dire qu’ils vont être de deux couleurs différentes : soit ébène soit roux. Dans notre groupe nous avons un mâle au pelage roux et les deux autres sont ébènes. C’est une question de génétique mais c’est plutôt du hasard, ce ne sont pas les mâles qui sont d’une couleur et les femelles d’une autre, tout le monde peut être des deux couleurs. » À la naissance, tous les bébés langurs de Java ont un pelage orange vif qu’ils conservent tout au long de leur croissance avant, de devenir noir ou de garder cette couleur orange à l’âge adulte. « C’est un marqueur d’identification quand ils sont petits parce que les femelles se confient parfois les bébés entre elles et de cette façon, les mères peuvent continuer de les repérer, elles identifient plus facilement les jeunes. » Un autre trait distinctif des langurs de Java est leur longue queue, proportionnellement plus longue que leur corps. Cette queue leur confère une incroyable agilité, essentielle pour leurs déplacements arboricoles. Diurnes, ces primates grégaires vivent principalement dans les arbres où ils passent la majeure partie de leur journée. « Généralement, le langur de Java vit en harem d’un ou deux mâles avec un grand nombre de femelles. Les groupes peuvent rassembler jusqu’à une centaine d’individus dans la nature. » Dans ces groupes, toutes les femelles prennent soin des jeunes, bien que seule la mère allaite son petit. Cette coopération permet à la mère de se nourrir plus librement et d’entrainer les plus jeunes femelles à s’occuper d’un petit.
Un primate rare en parc zoologique à cause notamment de son alimentation
Pour accueillir cette nouvelle espèce à la maintenance délicate, les équipes du parc ont du se préparer en amont. « Nous trouvions un peu challengeant de présenter cette espèce sur une île avec de grands arbres. Donc nous avons contacté le parc Apenheul qui gère le programme d’élevage et justement, chez eux, il y avait trois mâles à placer pour que leur groupe puisse continuer de se développer. » Ce premier groupe monosexe et donc non reproducteur va permettre aux animaliers de Branféré d’engranger de l’expérience avec cette espèce, de découvrir son élevage difficile en parc zoologique, avant d’aspirer à présenter un groupe reproducteur dans les années futures. « Nous avons de la chance car ce groupe là se connaît déjà et en plus, il vivait déjà sur une île aux Pays-Bas donc c’est plutôt idéal, la plupart des langurs de Java vivent dans des volières. Nous avons beaucoup échangé avec les soigneurs là-bas qui nous ont donné plein de conseils sur la façon dont ils gèrent les langurs, sur leur alimentation ou encore sur leurs attitudes. » Le langur de Java fait l’objet d’un Programme Européen pour les Espèces menacées (EEP) dans lequel s’inscrit désormais le Parc de Branféré ainsi que les quatre seuls autres zoos français qui présentent actuellement cette espèce. « Il y a environ 80 à 90 individus répartis dans un peu moins d’une vingtaine de parcs, explique le Directeur Zoologique. Ce n’est pas une espèce facile au niveau de l’alimentation notamment. » Le langur de Java possède en effet un système digestif spécialement adapté à un régime principalement folivore, composé essentiellement de feuilles, mais aussi d’un peu de fruits, de fleurs et de bourgeons. « C’est sur ce point que cela devient un peu technique. Ils ont besoin de feuilles en grande quantité et en grande variété donc nous leur fournissons des branches assez régulièrement, du noisetier, du châtaignier, de l’érable, etc… Et nous allons commencer à congeler des feuilles pour cet hiver, chose que nous faisions déjà pour nos okapis et nos girafes, ce qui nous permet de continuer de leur donner des feuilles fraîches durant tout l’hiver. »
La langur de Java est menacé dans la nature
Les langurs de Java sont des primates originaires d’Indonésie, entre Java et Bali où ils se rencontrent notamment dans les forêts tropicales ou de mangroves, profitant de la végétation luxuriante pour se nourrir et se cacher des prédateurs. « Le langur de Java est menacé, sa population décroît surtout à cause de la déforestation qui pose problème à Java, précise Alexandre Petry. Là-bas il y a une grosse pression de la déforestation pour le bois précieux mais aussi pour l’huile de palme. Ce n’est pas l’espèce de langur la plus rare mais elle est extrêmement intéressante d’un point de vue pédagogique. » Actuellement considérée comme « Vulnérable » (VU) par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), l’espèce est également confrontée à la fragmentation et la perte de son habitat, la capture pour le commerce illégal mais aussi la chasse. Des menaces ayant réduit de 30 % sa population en quelques années seulement. Les autorités locales collaborent avec les associations de terrain afin de saisir les animaux capturés pour les réhabiliter le plus rapidement possible dans leur milieu naturel. Pour assurer sa survie, plusieurs parcs zoologique ont également envoyé des individus à Java dans le but de les réintroduire dans la nature il y a quelques années et renforcer les populations sauvages.