Durant cette saison automnale, le Zoo d’Asson a célébré les naissances marquantes de deux petits gibbons, chacun représentant d’une espèce différente. Une avancée encourageante pour la préservation de ces primates menacés de disparition dans la nature.
Deux naissances exceptionnelles de primates menacés
Depuis de nombreuses années, le Zoo d’Asson s’est spécialisé dans l’élevage et la reproduction de primates menacés et plus particulièrement de différentes espèces de gibbons. Cet automne, le parc a annoncé deux naissances au sein des deux espèces de gibbons qu’il abrite : le gibbon à favoris blancs du Nord et le gibbon à bonnet. Ces naissances, particulièrement significatives, marquent une avancée importante dans les efforts de conservation de ces primates gravement menacés dans leur milieu naturel. « Ce sont des espèces tellement menacées qu’on risque de les perdre, et c’est un très grosse responsabilité, explique Luc Lorca, directeur du Zoo d’Asson. Il ne faut pas hésiter à faire des efforts et on arrive à avoir une gestion raisonnée de ces espèces là. » Pour le Zoo d’Asson, ces deux nouveau-nés ne représentent pas des événements uniques puisque par le passé, ces espèces s’y sont déjà reproduites. « Pour les gibbons à bonnet nous avons déjà eu 6 petits et chez les gibbons à favoris blancs du Nord nous en avons eu 5, sachant que l’élevage est assez long chez les grands singes. Et le problème pour ces espèces c’est la prévalence de mâles dans les populations. »
Le gibbon à favoris blancs du Nord (Nomascus leucogenys) et le gibbon à bonnet (Hylobates pileatus) font tous les deux l’objet de Programmes Européens pour les Espèces menacées (EEP), respectivement coordonné par le Parc Zoologique et Botanique de Mulhouse en France et le Twycross Zoo en Angleterre. « Chez les gibbons à favoris blancs, nous avons un mâle qui a 38 ans, il est né en 1986 au Parc de Clères, et une femelle plus jeune qui a 18 ans et qui vient du Zoo de Liberec en République Tchèque. Nous avions une femelle qui était arrivée ici en 1975, elle a longtemps vécu avec ce mâle mais elle n’était pas reproductrice et ça ne fonctionnait pas. Elle a fini sa vie ici et quand nous l’avons perdu, nous avons accueilli cette nouvelle femelle avec qui ça marche super bien. Mais quand nous en aurons l’occasion, nous allons l’implanter ce qui mettra très probablement un terme à la reproduction chez nous car le mâle est assez âgé. » Du côté des gibbons à bonnet, le Zoo d’Asson abrite un couple reproducteur dont le mâle est né en 1996 au Parc Zoologique et Botanique de Mulhouse et la femelle en 1997 au Zoo de Zurich en Suisse. « Les gibbons ont presque toujours été présents au Zoo d’Asson. D’abord avec Pipo, un mâle gibbon à mains blanches qui était arrivé au parc en 1963 et qui nous a quitté en 2020, puis successivement avec d’autres espèces comme aujourd’hui les gibbons à favoris blancs et les gibbons à bonnet. »
Des petits gibbons de sexes indéterminés
Ces naissances représentent donc un immense espoir pour ces deux espèces. En milieu naturel, toutes les espèces de gibbons se rencontrent dans les forêts tropicales d’Asie du Sud-Est et sont confrontées à une destruction rapide de leur habitat mais aussi au braconnage. Le gibbon à bonnet est considéré comme « En danger d’extinction » (EN) par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) tandis que le gibbon à favoris blancs du Nord est lui classé « En danger critique d’extinction » (CR). Réputés pour vivre en couple monogame, ces primates donnent naissance à un seul petit après une gestation d’environ 7 mois. « Le mâle n’est pas impliqué dans l’élevage du petit, poursuit Luc Lorca. Nous avons environ 6 ans devant nous avec les gibbons car au bout de 6 ans, ça commence à être tendu entre les individus et au bout de 7 ans, il faut vraiment enlever l’animal. Mais ça tient beaucoup au caractère des animaux. Sur les primates par exemple, il y a des pères qui vont être très tolérants et d’autres pas du tout. Nous pensons que c’est au moment où, dans la nature, les mâles prennent leur indépendance. » Pour le moment, les équipes du Zoo d’Asson ignorent le sexe des petits et devront patienter encore quelques semaines avant de le découvrir et de l’annoncer. « Nous le saurons soit au moment du sexage, soit quand les petits seront un peu plus indépendants et viendront au grillage, mais même de cette façon ce n’est pas évident car le clitoris de la femelle est vraiment très long et conduit à de nombreuses erreurs de sexage sur les gibbons. » Il existe cependant un dimorphisme sexuel assez prononcé chez ces espèces mais uniquement chez les adultes ; les jeunes naissent clairs, s’assombrissent en grandissant avant de soit redevenir clairs à l’âge adulte si ce sont des femelles, soit de rester noirs si ce sont des mâles.
Des messagers de la préservation de leurs espèces
Au-delà de la joie que suscite ces deux événements, le directeur du parc rappelle que la protection des gibbons passe également par la sensibilisation du public aux menaces qui pèsent sur ces primates. « Il faut soigner les installations, la pédagogie autour et expliquer les enjeux de leur protection, détaille Luc Lorca. Nous avons la chance d’avoir une zone asiatique qui nous permet de distiller le message de la conservation sur toute la zone. Et puis dès qu’il y a des naissances, les visiteurs s’arrêtent davantage, passent plus de temps à observer, à lire les panneaux ou à poser des questions aux soigneurs. Pour tout cela, les bébés sont aussi extraordinaires d’un point de vue pédagogique. Alors un bébé gibbon ce n’est pas un bébé gorille, mais quand les gens sont là, le bébé rempli pleinement son rôle éducatif. Et puis les soins que les anthropoïdes apportent à leurs petits c’est parlant pour nous humains. » Le parc avait par ailleurs investit dans de nouvelles installations il y a quelques années pour favoriser leur reproduction mais aussi faire passer le message plus facilement auprès des visiteurs. « Nous avons une volière qui fait 120 m² sur 4m50 de hauteur pour nos gibbons à bonnet, et qui est entièrement plantée. Et pour les gibbons à favoris blancs, nous avons créé une volière qui fait 250 m², 6 mètres de haut, et c’est surtout la structure qui est impressionnante, avec de vrais tronc d’arbres sur lesquels repose le filet. Toutes nos anciennes volières à gibbons ont été rasées pour ça et nous avons fait notre serre tropicale à cet emplacement également, ce sont des investissements qui sont très importants pour ces animaux. »
Un parc qui s’implique autant que possible dans des programmes de recherche et de conservation
Chaque visite est donc l’occasion de partager des informations sur les menaces pesant sur ces primates et sur les actions mises en place pour leur venir en aide dans leur milieu naturel. C’est d’ailleurs ce que fait le Zoo d’Asson au travers de plusieurs projets de conservation mais aussi de recherche. Avec l’aide de son association, l’Association Zoologique d’Asson, le parc soutient Kalaweit, une association française qui agit pour la sauvegarde de la biodiversité en Indonésie et qui vient plus particulièrement en aide aux gibbons. Mais au court des dernières années, le Zoo d’Asson a également participé à des projets de recherche en lien avec les gibbons. « À l’occasion de l’arrivée de notre femelle gibbon à favoris blancs il y a quelques années, le Zoo de Liberec qui nous l’a confié menait une étude pour sexer les gibbons avec les crottes, indique le directeur du parc. Nous prélevions chaque semaine une crotte de cette femelle jusqu’à ce qu’elle soit complètement blanche pour suivre l’évolution des hormones que l’on peut trouver dans ses excréments en fonction de ses changements morphologiques. Nous n’avons pas encore de retour sur cette expérience mais ce serait un moyen utile de sexer précocement un gibbon sans avoir à attendre de l’attraper. »
Cette année, les équipes du parc ont également participé à une autre étude, toujours avec les excréments des gibbons, qui porte sur la dégradation des micros plastiques dans les déjections. « Il fallait des excréments d’animaux qui ne soient pas trop éloignés de l’humain, car des études avaient déjà été lancées sur des herbivores mais il fallait cette fois un omnivore qui soit proche de l’Homme, et faire ça sur du matériel humain c’est trop compliqué. Donc au Zoo d’Asson, nous avons fourni les excréments qui sont enrichit avec des micros plastiques pour voir quelle est la dégradation et quel est l’impact pour l’environnement. Cela permet de voir s’il y a des phénomènes chimiques qui entrent en jeu pour dégrader ces plastiques ou pas et dans quel mesure ils peuvent être retrouvés dans l’environnement. Ce sont des choses toutes simples qui font avancer la recherche et qui tournent autour des gibbons. Nous ne sommes pas une grosse structure mais dès qu’il y a une opportunité pour aider la recherche, nous sommes dessus. Surtout que ce n’est pas invasif, ça valorise aussi le travail des soigneurs qui participent vraiment à un travail de recherche. »