L’année 2023 du CERZA a été placée sous le signe des ours. Après avoir offert un nouvel environnement à sa famille d’ours à lunettes qui s’est agrandie en janvier, le parc a également conçu un nouvel espace à son groupe d’ours bruns qui a emménagé en début d’été. Un déplacement qui profite aussi aux géladas qui bénéficient eux aussi d’un nouvel enclos.
Cette année au CERZA a été marquée par de nombreuses naissances chez des espèces menacées et sur lesquelles il y a de forts enjeux de conservation. Les ours à lunettes, les ours bruns ainsi que les géladas ont déménagé dans de nouveaux espaces au cours des derniers mois dans l’optique générale d’améliorer leurs conditions de vie et de leur proposer toujours plus d’enrichissements. Des nouveaux enclos, une nouvelle espèce, une nouvelle passerelle et des naissances marquantes : retour sur l’année 2023 du CERZA.
Une nouvelle plaine d’un hectare
Depuis le début de l’été, les cinq ours bruns du CERZA profitent d’un tout nouvel espace créé par les équipes du parc pendant près de 8 mois. « Tous nos enclos sont conçus par Thierry Jardin le fondateur du parc, annonce Frédéric Houssaye, Responsable de la conservation au CERZA. C’est lui qui les dessine et qui les imagine. Il travaille aussi avec Dorothée, notre directrice zoologique, et avec le directeur technique. Nous avons quand même fait appel à une entreprise pour le terrassement, pour amener les nouvelles roches, avec notre équipe technique, mais c’est important pour nous de créer nos enclos nous-mêmes. » Le nouvel enclos des ours bruns se trouvent dans la continuité du complexe des ours polaires, sur une surface de près d’un hectare où vivaient des cerfs sika du Vietnam et des cerfs de Duvaucel. « Les cervidés avaient un enclos de 5 hectares sur lequel nous avons supprimé un hectare pour concevoir l’enclos des ours. L’objectif principal de cet espace c’est de pouvoir leur permettre d’avoir accès à l’extérieur de jour comme de nuit. » Les équipes du parc souhaitaient offrir la possibilité aux ours d’hiberner au cœur même de l’enclos, ce qui n’était pas possible dans leur environnement précédent notamment pour des raisons administratives et de sécurité.
Dans leur nouvel enclos, légèrement plus grand que le précédent, les ours bruns profitent de nombreux aménagements pour leur confort avec par exemple l’ajout de nombreux arbres qui offrent notamment des points d’ombre. « Nous y avons aussi créé un bassin, une petite chute d’eau, et nous avons ajouté des tanières pour qu’ils puissent dormir dehors la nuit. Et puis nous espérons aussi qu’ils hibernent à l’extérieur dès cet hiver. » Le chemin de visite longe l’enclos et offre une belle visibilité aux visiteurs sur le groupe d’ours bruns du CERZA. « Il y a une vision sur toute la longueur mais nous avons créé, au centre, une zone beaucoup plus visuelle avec le bassin où les ours vont pouvoir venir et où nous faisons nos animations. Quand nous créons nos enclos, nous mettons toujours le bien-être des animaux au premier plan, et ensuite le confort de nos visiteurs. Mais il faut d’abord penser à l’animal, qu’il soit bien dans sa tête. Nos ours sont visibles mais parfois il faut savoir être patient, ils peuvent s’installer derrière une petite butte ou dans leur tanière pour se reposer. »
Un transfert sous haute surveillance
Le CERZA abrite depuis quelques années un groupe de cinq ours bruns composé d’un mâle et de quatre femelles de deux fratries différentes. « Ils sont nés entre 2015 et 2016, ce sont des ours assez jeunes, explique Frédéric Houssaye. En fait, nous avons trois individus, un mâle et deux femelles qui sont issus de la même portée, et deux autres femelles qui elles sont sœurs. » Le parc n’a pas pour objectif de reproduire ses ours bruns, le mâle a alors été stérilisé. « Les ours bruns sont très bien représentés en parc zoologique. Il y a encore beaucoup d’ours à accueillir qui viennent des montreurs d’ours ou des cirques européens qui s’en séparent progressivement, il va bien falloir les accueillir. » Après la création de l’enclos vient l’étape la plus importante pour les ours bruns avec leur transfert placé sous haute surveillance. « Le transfert s’est très bien fait, nos vétérinaires ont organisé toute l’opération. Elles ont d’abord anesthésié chaque animal depuis sa loge, dans la maison, elles veillaient à ce que l’animal soit bien endormi, et une fois que c’était le cas, les soigneurs rentraient à l’intérieur, pour déplacer l’ours dans la caisse de transport contre la trappe de sortie de la maison. Nous en avons profité pour effectuer un bilan de santé de chaque ours brun et vérifier les puces électroniques. » Une fois les ours placés dans leur caisse de transport, l’équipe animalière s’est chargée du transfert entre les deux enclos, distant de seulement quelques centaines de mètres l’un de l’autre. « Une fois dans leur nouvel maison, la vétérinaire administre un antidote à l’anesthésie. Les soigneurs et vétérinaires se sont ensuite relayés toute la journée pour observer le réveil de chaque animal. » Il n’aura fallu que quelques heures aux cinq ours pour se lancer à l’assaut de leur nouvel environnement, un moment de découverte unique suivi par l’équipe animalière « Ils sont sortis au bout d’une journée et demie ou deux jours. Pendant le premier jour de sortie, ils ont grimpé partout, sur les petits rondins, ils poussaient dessus, on les voyait courir, ils ont exploré l’enclos comme des fous ce qui fait que le lendemain ils étaient courbaturés. Ils se sont éclatés à courir dans tout leur enclos, et c’était génial à voir, comme des enfants dans un nouveau jardin, ils voulaient profiter de tout à fond ! Aujourd’hui, ils continuent de découvrir leur enclos mais les courbatures ont disparu. »
Le déménagement des ours bruns profite aussi aux géladas
L’enclos laissé libre par les ours bruns a rapidement été investi par d’autres pensionnaires du parc : le grand groupe de géladas. « C’est vraiment les chaises musicales actuellement, s’amuse le Responsable de la conservation du parc. Nous faisons bouger les ours bruns dans leur nouvel espace, les géladas dans celui des ours bruns et plus tard, nous allons mettre nos tigres blancs dans l’enclos des géladas. Nous préparons d’autres nouveautés sur deux ou trois ans, au niveau de l’actuel enclos des tigres blancs et autour. » Avec ce déplacement, les géladas peuvent à nouveau profiter d’herbe fraîche, une source d’alimentation à laquelle ils n’avaient plus accès dans leur ancien enclos. « L’avantage de cet enclos, c’est qu’il est énormément enherbé, et pour les géladas qui sont les seuls primates herbivores, c’est juste l’idéal. L’enclos dans lequel ils étaient avant est très rocailleux avec une terre qui ne permet pas de faire pousser beaucoup de choses. Mais c’est le terrain du Pays d’Auge, de ce petit coin de Normandie. En revanche il y a des fois des zones où il n’y a pas tout cet argile ce qui fait que l’herbe est bien foisonnante, comme dans l’ancien enclos des ours bruns. » Cette nouvelle plaine de près de 8000 m² représente un véritable garde-manger pour les géladas qui peuvent désormais cueillir brindilles après brindilles tout au long de la journée. « Les géladas mangent l’herbe et tout ce qui s’en rapporte, l’herbe mais aussi les graines et les racines, donc ils creusent et ils retournent aussi. Mais l’idée avec cet espace là, c’est qu’ils vont pouvoir creuser à un endroit sans que cela ne gêne la repousse de l’herbe ailleurs. » L’ensemble de l’environnement a été conservé, du bassin dont profitaient les ours bruns jusqu’aux différentes souches et aux troncs placés à l’horizontal sur lesquels les primates n’hésitent pas à grimper pour observer les alentours. « Nous avons fait un élagage autour des clôtures et créé une nouvelle maison pour les géladas, avec une loge pour les calaos terrestres qui ont été eux aussi transférés dans cet espace. »
Les premiers petits d’un groupe en restructuration
Avec un groupe de près d’une trentaine d’individus, le groupe de géladas du CERZA fait partie des plus importants pour cette espèce en Europe. Leur déplacement vers leur nouveau lieu de vie nécessitait donc une organisation toute particulière afin d’éviter le stress que cela pourrait générer. « Le transfert s’est très bien fait, nous les avons mis dans une très grande caisse, tous ensemble, que nous avons transporté avec un tracteur. Cela n’a donc pas créé de stress de séparation des uns et des autres. Ils sont tous arrivés ensemble, dans le nouveau bâtiment et grâce au travail des soigneurs, il n’y pas du tout eu besoin de les anesthésier. » Afin de relancer la reproduction dans le groupe de géladas, le CERZA a accueilli il y a quelques temps deux nouveaux mâles assez jeunes dans le but de les faire devenir les mâles reproducteurs. « Ici, nous avons deux mâles reproducteurs, dans le même groupe, pour une trentaine de géladas dans l’enclos, c’est un très beau groupe. Ils sont arrivés d’un zoo allemand, assez jeunes, de façon à ce qu’ils s’intègrent bien dans notre groupe et ils se sont très bien intégrés. Ils sont ensuite devenus matures et pour la première fois depuis 3 ou 4 ans, nous avons quelques femelles qui ont mis bas cette année. » Le parc a en effet enregistré sept naissances entre le mois de février et le mois d’octobre. Les petits sont visibles aux côtés de leurs mères dans leur nouvel espace et n’hésitent pas à jouer les uns avec les autres au milieu des adultes.
Dans l’ancien enclos des panthères du Sri Lanka, sur le circuit rouge, le parc abrite également un deuxième groupe de géladas composé de seulement trois individus, tous des mâles. « Ce sont des mâles qui sont devenus adultes dans notre groupe et que nous ne pouvions pas faire partir, ajoute Frédéric Houssaye. Nous avons donc décidé de les mettre dans l’ancien enclos des panthères. » Aujourd’hui, le programme d’élevage des géladas en parc zoologique a besoin de grossir et d’intégrer de nouveaux parcs participants. Malheureusement, celui-ci comporte un léger surplus de mâles qu’il convient de regrouper pour former des groupes de mâles célibataires. « Dans un groupe reproducteur, il y a deux voire trois mâles reproducteurs pour plusieurs femelles, mais il nait autant de mâles que de femelles. Il faut faire quelque chose de ces mâles en surplus et il va donc y avoir des groupes composés de mâles. » Certains parcs zoologiques européens n’hébergent que des mâles quand d’autres se concentrent sur la reproduction et abritent des groupes mixtes. « Le coordinateur demande aujourd’hui à ce que les zoos qui reproduisent puissent aussi avoir un deuxième enclos avec uniquement des mâles pour pouvoir accueillir les surplus de mâles régulièrement. C’est une façon aussi de gérer la population captive sereinement. »
Le CERZA soutient un projet d’études autour du gélada
Le gélada est le seul primate exclusivement herbivore, se nourrissant de graminées, de jeunes pousses, de brins d’herbe et de fleurs qu’il arrache avec ses puissantes mains. Il était autrefois répandu à travers toute l’Afrique et le sud de l’Europe mais ne se rencontre aujourd’hui plus que dans un seul pays de l’est de l’Afrique : l’Éthiopie. Ce singe vit essentiellement dans les steppes et sur les falaises des hauts plateaux montagneux, entre 1 800 et 4 400 mètres d’altitude. « C’est une espèce qui vit sur les hauts plateaux d’Éthiopie mais qui en sort de plus en plus pour aller s’alimenter dans les cultures, développe Frédéric Houssaye. Ils étaient plutôt restreints sur les plateaux mais le changement climatique fait que les plateaux s’assèchent, qu’il y a de moins en moins d’herbe à cet endroit là, donc ils descendent de plus en plus. Il y a un gros gros travail à faire pour essayer de préserver cette espèce-là. » Le gélada n’est pas encore considéré comme une espèce menacée de disparition, étant classé en « Préoccupation mineure » (LC) par l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature). Cependant, l’espèce est victime de la dégradation de son habitat, due à l’expansion agricole, mais aussi du braconnage. L’université de Pise en Italie a créé, en partenariat avec l’université d’Addis Abeba en Éthiopie, le projet BRIDGES, un projet de recherche comportementale des géladas. « Au CERZA nous soutenons le projet BRIDGES. L’idée c’est d’étudier les géladas, surtout leur socialisation aussi bien dans la nature qu’en parc zoologique. Est-ce que les mâles sont souvent en contact ? Comment ils se comportent dans la nature ? Et comment pouvons-nous les gérer en captivité ? C’est un gros travail ex situ et in situ que nous finançons, c’est une étude très importante pour les géladas dans la nature, pour les dénombrer, voir comment ils sont répartis, mais cela sert aussi à pouvoir les protéger. » En parc zoologique, le gélada fait l’objet d’un Programme Européen pour les Espèces menacées (EEP) et se retrouve dans une dizaine de parcs zoologiques en France qui présentent, pour certains, seulement des groupes de mâles.