En juillet et en août 2022, le parc zoologique du CERZA a enregistré des naissances importantes chez deux espèces : les hyènes rayées et les panthères du Sri Lanka.
Nous nous sommes longuement entretenus avec Frédéric HOUSSAYE, responsable de la conservation au CERZA mais également coordinateur de l’EEP (Programme d’élevage de l’EAZA) des hyènes rayées et du programme international des panthères du Sri Lanka.
Trois petits chez les hyènes rayées
Au CERZA, les naissances font pratiquement partie des habitudes chaque année. Mais il y a des naissances moins courantes qui réjouissent davantage les équipes du parc. C’est le cas pour celle de trois petites hyènes rayées intervenue le 5 juillet 2022 après une gestation d’environ 90 jours. « Il y a deux femelles et un mâle, se réjouit Frédéric HOUSSAYE. La dernière naissance viable remonte à 2010. » Le couple de hyènes rayées du CERZA est arrivé en 2020 en provenance de deux autres parcs zoologiques français. Mais chez les hyènes rayées, la reproduction est un sujet assez sensible et chaque naissance est extrêmement importante. « Le principal pour cette espèce c’est vraiment d’avoir des bébés car nous avons vraiment une très faible quantité de naissances. Il y a eu un gros travail de fait sur certains parcs zoologiques et nous arrivons à avoir des naissances ces dernières années. » En 2022, les parcs zoologiques européens ne comptent que cinq naissances, toutes en France ; trois petits au CERZA et deux à la Réserve Zoologique de la Haute-Touche. L’an passé, les deux établissements avaient également obtenus des naissances mais aucun des petits n’a survécu. « Nous étions sur des nouveaux couples, il fallait que les animaux s’adaptent non seulement à leur structure mais également à leur nouveau partenaire, les premières mises-bas sont toujours un peu plus compliquées. »
Cette année au CERZA, la femelle a mis au monde ses trois petits dans une tanière, en plein cœur de l’enclos. Aujourd’hui, les trois petites hyènes se portent à merveille et ont pu participer à leur premier examen médical permettant de les sexer et de les pucer. Pour éviter que la mère ne soit perturbée par le mâle, l’équipe animalière a fait le choix de les séparer durant les premières semaines de vie des nouveau-nés. « Nous les avons séparé pendant à peu près trois semaines, ce qui fait que la femelle a pu se concentrer sur l’élevage de ses petits, et au bout de ces trois semaines, nous avons pu les remettre ensemble. Le mâle est rentré dans la tanière et toute la famille est ensemble à l’intérieur. » Âgés de bientôt quatre mois, les jeunes commencent à sortir de plus en plus et explorent leur environnement extérieur. « Ils commencent à bouger, ils quittent la tanière et vont dans leur bâtiment mais aussi dans l’enclos principal. Mais ce sont des hyènes rayées, en pleine journée ils font leur grosse sieste dans la tanière. En début et fin de journée ils sont tout à fait visibles. » Les petits devraient rester aux côtés de leurs parents pendant encore plusieurs mois avant de très probablement quitter le parc, pour à leur tour se reproduire dans d’autres zoos européens. « Ils vont rester ensemble pendant une bonne année, entre 12 et 16 mois, ajoute Frédéric HOUSSAYE. Après, tout va dépendre du degré de tolérance de la mère envers ses petits qui dépend lui-même de l’espace à leur disposition et puis de leur croissance. S’ils grossissent bien, ils prennent plus d’espace et donc il va y avoir des petites tensions. La femelle va surement remettre bas l’année prochaine et si elle a des petits, elle va mettre un peu plus de distance avec les jeunes de cette année, c’est logique. Ce sont des animaux qui sont plutôt solitaires ou qui vivent en petites unités familiales. »
Une espèce mise à mal dans la nature
La famille des hyénidés vit essentiellement en Afrique mais seule la hyène rayée possède une immense aire de répartition, s’étendant de la moitié nord de l’Afrique jusqu’en Inde. « On la trouve en Turquie, dans la péninsule arabique, en Inde, au Pakistan, un peu au Kenya, à Djibouti, ou encore en Algérie. » Malheureusement les hyènes rayées sont persécutées par les populations locales et trainent une mauvaise réputation. « C’est une espèce qui est très malmenée partout où elle vit. Malmenée parce qu’il y a de moins en moins de proies donc forcément, il y a de moins en moins de nourriture et les hyènes peuvent s’attaquer au bétail. En représailles, les Hommes les tues. Et puis il y encore des endroits où les populations pensent que la hyène amène de mauvaises choses. » Encore aujourd’hui persistent les lynchages de hyènes. Celles-ci, à l’image du blaireau en Europe, se font déterrer de leurs tanières. Une autre grosse menace pèse sur la hyène rayée, à savoir sa capture pour en faire un animal domestique. « Au Liban par exemple, des hyènes sont capturées pour être élevées dans les jardins, en animaux de compagnie, regrette Frédéric HOUSSAYE. Là c’est tout autre chose. »
L’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature) classe l’espèce comme « Quasi menacée » (NT). Pourtant, elle joue un rôle clé dans l’équilibre de son écosystème en se nourrissant de charognes, vectrices de maladies. Elle chasse parfois de petites proies mais étant opportuniste, elle préfère se nourrir de carcasses délaissées par les autres prédateurs. En Europe, les hyènes rayées font l’objet d’un EEP (EAZA Ex-situ Program), un programme européen d’élevage de l’espèce dans les parcs zoologiques, pour la plupart européens. Ces programmes ont pour ambition de gérer convenablement une population, démographiquement et génétiquement, tout en garantissant une diversité génétique importante. « À travers l’Europe nous comptabilisons 93 hyènes rayées en comptant les dernières naissances, nous commençons à être sur une bonne pente montante. »
Naissance de trois panthères du Sri Lanka
Les hyènes rayées ne sont pas les seules à avoir obtenu une naissance cette année puisque trois petites panthères du Sri Lanka sont nées le 29 août 2022. Récemment passés sous les mains de la vétérinaire du parc, les jeunes félins ont été pucés et sexés permettant de préciser qu’il s’agissait de deux mâles et d’une femelle. Les équipes du CERZA avaient déjà été récompensées en 2021 avec la venue au monde du premier petit de Lenn et Walawé, le couple reproducteur du parc. Le jeune mâle est aujourd’hui âgé d’un an et demi et devrait prochainement quitter le parc pour rejoindre un autre parc zoologique en Europe. « Pour les panthères du Sri Lanka, j’aime que les petits restent un an et demi avec leur mère simplement parce que dans la nature, c’est à peu près la même chose, donc il faut essayer de faire pareil. Il n’est plus avec sa mère puisqu’elle a donné naissance depuis, donc il est avec son père. Et là il est prévu qu’il parte avant la fin de l’année, je suis en contact avec des parcs zoologiques. » Après une gestation d’environ 92 jours, Walawé a mis au monde trois petits qu’elle garde bien à l’abri des regards. Quelques jours avant leur naissance, la femelle a été séparée de Lenn, le père. « Un peu avant la mise-bas, on va voir que la femelle prend un peu de poids, nous faisons des échographies et à partir de là nous les séparons quelques jours avant pour que la femelle se repose, qu’elle soit tranquille et pas chahutée. »
Encore à l’abri dans leur bâtiment, les nouveau-nés ne seront probablement pas visibles avant plusieurs semaines. « S’ils sortent, ce sera d’abord dans la volière à côté du bâtiment, un enclos pré-parc qui permet de sortir la mère. Aujourd’hui elle sort et les petits pourront la suivre quand ils voudront mais pour l’instant ils restent à l’intérieur. » Les naissances de panthères du Sri Lanka en parc zoologique restent des événements assez rares. Le programme de reproduction de l’espèce est coordonné au niveau international par Frédéric HOUSSAYE et compte aujourd’hui 96 panthères du Sri Lanka en captivité dans le monde. « Ce n’est pas beaucoup. Nous avons eu 11 naissances en 2022, l’année n’est pas terminée mais 11 naissances c’est déjà bien. » Cette année, hormis les trois petits du CERZA, trois autres jeunes sont nés au Parc des Félins en Seine-et-Marne, deux au Zoo d’Ostrava en République-Tchèque et trois derniers dans deux parcs zoologiques australiens. « Nous sommes sur une bonne pente, la population augmente plutôt bien. Nous essayons d’augmenter le nombre de panthères avec la création d’une sous-population en Australie. Les australiens avaient surtout des panthères des neiges et ils voulaient s’orienter vers une autre panthère menacée. Nous travaillons ensemble depuis environ 6 ans maintenant et depuis, il y a deux parcs australiens qui ont importé des panthères du Sri Lanka en 2020 et 2021 où il y a eu des petits l’année dernière et cette année. »
Un nouvel espace pour les panthères en 2022
Depuis le printemps 2022, les panthères du Sri Lanka du CERZA bénéficient d’un tout nouvel environnement. Conçu au cours de l’hiver dernier, le nouvel espace se situe à quelques dizaines de mètres du précédent aujourd’hui alloué à un petit groupe de mâles géladas. « Nous avions besoin de changements, signifie le responsable de la conservation. L’ancien enclos était d’une taille suffisante, nous n’avons pas beaucoup augmenté la taille de l’enclos de nos panthères du Sri Lanka, mais nous l’avons simplement structuré différemment à l’intérieur. » La panthère est un félin qui aime grimper aux arbres et l’objectif du déménagement était aussi de pouvoir leur permettre d’exprimer davantage ce besoin que dans l’espace précédent. « L’ancien enclos était un enclos à ciel ouvert avec des arbres où les panthères pouvaient grimper, mais avec le nouvel enclos nous trouvons qu’elles grimpent beaucoup plus parce que les accès sont plus faciles, il y a des gros troncs qui ont été mis à l’horizontal des arbres. Notre mâle, Lenn, est un super grimpeur il grimpe tout en haut ! » Le nouvel espace comprend une volière servant de pré-parc, plus grande que la précédente et destinée actuellement à Walawé et ses petits. Les félins profitent également d’un bâtiment bien plus spacieux et plus confortable avec une grande hauteur. « La maison est superbe avec une très grande hauteur ce qui fait que les panthères peuvent aller à 4 mètres de haut sans problème à l’intérieur. Nous avons dans cette maison une loge qui possède une tanière intérieure pour que la femelle puisse mettre ses petits et où nous pouvons mettre une lampe chauffante afin qu’elle puisse être à l’abri du reste. »
Un félin parmi les plus menacés du monde
Endémique de l’île de Sri Lanka en Asie du sud, la population de la panthère du Sri Lanka est estimée à environ 900 individus dans la nature. Classée comme « Vulnérable » (VU) sur la liste rouge des espèces menacées de l’UICN, l’espèce subit de nombreuses menaces et ses effectifs diminuent. En cause notamment, le braconnage pour sa peau et certaines parties de son corps mais également la disparition de son habitat. Depuis 2008, le CERZA participe à la protection des panthères du Sri Lanka dans leur milieu naturel. « Nous soutenons financièrement une association qui s’appelle Wilderness Wildlife Conservation Trust (WWCT) qui a pour objectif de sensibiliser les communautés locales et de travailler avec les cueilleur de thés notamment, les ouvriers, pour pouvoir mieux apprécier, mieux connaître la panthère et faire en sorte qu’il ne la lynche pas lorsqu’elle se trouve dans la plantation, qu’elle ne fait que passer par exemple. » L’association, qui s’emploie à recenser au maximum les individus sauvages, travaille également sur la reforestation de l’environnement afin de créer des couloirs biologiques entre deux zones boisées et ainsi permettre aux panthères de se retrouver. « Comme nous nous occupons du programme d’élevage de la panthère de Sri Lanka, nous faisons en sorte que d’autres parcs zoologiques soutiennent aussi ce projet de conservation, complète Frédéric Houssaye. Il y a le Parc animalier de la Barben et le Zoo de Maubeuge qui donnent également de l’argent à cette association et cette année, nous avons pu réunir 8 300 € à nous trois. » Soutenir financièrement des associations de protection de la faune sauvage fait partie intégrante des missions des zoos modernes. En 2000, le CERZA a créé une association, CERZA Conservation, qui finance chaque année plusieurs projets de conservation dans le monde. « Cette année en 2022, nous allons soutenir à peu près une vingtaine de projets à hauteur de 80 à 85 000 €. »
Une étude menée sur les panthères du CERZA
Depuis quelques semaines, les panthères du CERZA font également l’objet d’une étude scientifique qui pourrait servir dans la protection de leurs homologues sauvages. Rosaria Santoro, une étudiante italienne, travaille depuis plusieurs mois sur l’étude de la bioacoustique des panthères et a posé son matériel en Normandie en septembre dernier. « Elle a travaillé sur cette étude là en Italie où elle a fait quelques parcs zoologiques pour pouvoir étudier les sons des panthères, explique Frédéric HOUSSAYE. Son objectif était de pouvoir identifier des signatures vocales, c’est-à-dire de savoir si chaque panthère a un son différent et donc reconnaissable d’une panthère à l’autre. » Le CERZA a donc mis à disposition de l’étudiante son petit groupe de félins afin d’enregistrer, grâce à du matériel spécialisé et installé tout autour des enclos, les différents sons émis par les panthères. « Elle a en effet pu mettre en valeur que la signature vocale existait chez les panthères, donc c’est génial, cela va nous permettre d’identifier les panthères grâce à leurs sons et plus seulement par photos. Dans la nature, on utilise beaucoup de pièges photos mais il faut qu’une panthère passe devant le piège pour pouvoir être photographier et être identifiée grâce à ses taches. »
Le projet de Rosaria Santoro consistait donc à effectuer ce travail de recherche en parc zoologique dans un premier temps avant d’étendre son action dans la nature. Avant cela, elle devrait revenir au CERZA en novembre prochain pour la seconde partie de son étude qui permettra de savoir si les panthères reconnaissent les sons qu’elles entendent pour analyser leurs réactions face à un son familier ou un son non-familier. « Le travail de Rosaria est très important parce qu’il va permettre, dans la nature, d’étudier les panthères peut-être un peu plus facilement, on ne s’arrêtera pas à une petite zone devant le piège photo. Et puis l’objectif de savoir si les panthères reconnaissent les sons, notamment d’observer leur réaction, c’est de pouvoir améliorer et diminuer les conflits Hommes/Animaux dans la nature. On va pouvoir diffuser des sons de panthères sur des territoires bien occupés par les humains de façon à ce que la panthère pense que le territoire est déjà occupé afin qu’elle ne le traverse pas ou ne s’y arrête pas. » L’étudiante essaiera probablement son dispositif dans d’autres parcs zoologiques pour obtenir des données scientifiques plus précises et partira en 2023 en Inde pour mettre en application son travail sur le terrain. « C’est génial, c’est un super exemple de travail d’un parc zoologique pour la conservation in situ ! »